lundi 9 décembre 2013

Effets d'annonce...


Je n'ai pas posté de nouvel article
depuis belle-lurette (comme aurait
dit Gai-Luron...).


Or, j'aurais eu beaucoup à raconter ou partager, mais je souhaite que ce "journal de bord" se limite à l'évolution de la réalisation de ce projet.
Il se passe des choses...
Je mettrai prochainement en ligne une info qui va en intéresser beaucoup (j'espère)...
Il y aura des surprises, des cadeaux (mais oui !) et la perspective de quelque chose de plus intéressant encore qu'un film tout seul, comme ça.

Entre parenthèses, j'ai également créé un petit groupe Facebook que l'on peut rejoindre ici, où plein de documents s'échangent allègrement :

Je n'en dirai pas plus aujourd'hui.
Ce en quoi je reste vraiment dans la philosophie de communication des Editions Vaillant avec leurs jeunes lecteurs, qui ne cessaient d'annoncer pour la semaine ou même le mois suivant des nouveautés, des surprises, des changements...

Je vous laisse d'ailleurs avec quelques échantillons... assez représentatifs, j'espère, de ce que je vais pouvoir vous proposer. ;-)

Le changement, version Tabary.

Bandeau de Gotlib

Annonce de changement par Kamb.


Grand chambardement, dessiné par Cézard, dans son style inimitable
de foisonnement de détails et de personnages...


mardi 28 mai 2013

10. Pourquoi les Roumains pleurent de joie en évoquant PIF...

PIF, un héros... roumain !

C'est peu de le dire : Pif a représenté beaucoup pour la jeunesse des années 60 à 80, bien au-delà de l'Hexagone.

Je ne parle pas seulement du personnage, évidemment, mais de toute la petite cosmogonie créée par les éditions Vaillant.

Et parmi les pays dont cette lecture a pu affecter la jeunesse de 3 générations au moins, il y a en première ligne la Roumanie.
Bien entendu, les éditions Vaillant émanant du Parti Communiste Français, les "pays frères" du bloc communiste ont eu droit à la lecture de l'illustré homonyme plus facilement que celle de Mickey... (et n'oublions pas que le chien Pif créé par Cabrero Arnal a débuté dans les pages du journal L'Humanité ! avant de s'imposer dans celles de Vaillant !).

Au-delà de ce contexte politique en toile de fond (une très grande partie des jeunes lecteurs de Vaillant et Pif-Gadget, en Roumanie, n'a jamais eu conscience d'une appartenance de ces revues à une quelconque mouvance politique), il y eut entre les jeunes Roumains et Pif-Gadget, dès son apparition en 1969, une véritable relation fusionnelle, qui ne s'est jamais démentie et fait presque l'objet aujourd'hui d'un culte mémoriel.

Pour s'en convaincre, il suffit d'évoquer Pif auprès d'une personnalité roumaine en âge de l'avoir lu dans sa jeunesse. Non seulement ce journal a représenté (en particulier sous le régime Caucescu) un véritable bol d'air frais, au parfum de liberté et de fantaisie, mais qui plus est, il a donné envie à un nombre incroyable de futurs lecteurs de se mettre au français, ou de le perfectionner !
C'est précisément ce que disent les intervenants du reportage que l'on pourra visionner un peu plus bas.


Durant l'été 2012 s'est tenue à Bucarest une exposition intitulée "Pif en Roumanie, un héros de l'âge d'or". Elle était organisée par l'Institut Français de Roumanie, sous la direction de son attaché culturel Didier Dutour et Jean-Pierre Dirick (auteur du personnage enquêteur "Tim" dans la dernière mouture de Pif-gadget jusqu'en 1994) en avait été le commissaire. (un ancien dessinateur d'enquêteur devenu, le temps d'un été, "commissaire", c'est assez cocasse...)

Didier Dutour, attaché culturel en Roumanie, et Jean-Pierre Dirick

Le succès de cette expo et le type de commentaires nostalgiques et souvent poignants qu'elle a suscités donnent un peu la mesure de cette relation très spéciale de la Roumanie envers ce journal.
Et bien évidemment, il en sera question dans le film, dans une séquence assez riche dont je ne révèle rien ici... ;-)

J'ai tourné lors du Salon du Livre en mars dernier (dont l'invité d'honneur était la Roumanie !) un petit reportage autour d'une rencontre consacrée précisément à cette expo et à l'impact de Pif dans ce pays.
On y retrouve, hormis les 2 principaux protagonistes de l'expo, Jacques Kamb (auteur d'innombrables récits et gags dans Vaillant et Pif-Gadget pendant presque 40 ans ! - voir ma chronique sur lui ici), des auteurs de BD roumains et à la fin, le témoignage de 2 personnalités présentes sur le salon, qu'on n'attend pas forcément sur ce sujet... 
(Lors de la rencontre, il y eut un moment très émouvant - que pudiquement je n'ai pas mis dans le montage - quand la traductrice, Mariana, se mit à fondre en larmes en entendant Alex Tamba évoquer la magie indicible de son premier Pif-Gadget, reçu pour Noël, car pour elle aussi cette découverte de Pif dans son enfance était restée un souvenir merveilleux et la porte d'accès à un "ailleurs" souriant et plein de promesses...)


(cliquer sur l'image ci-dessous pour voir la vidéo : )



(Pour plus d'infos sur le contexte et le déroulement de l'expo, voir ici le blog que lui a consacré J-Pierre Dirick : )

Mais si je veux pouvoir illustrer de manière plus intime et détaillée ce qu'a pu représenter la lecture de Vaillant et Pif-Gadget pour les jeunes Roumains, il m'est impossible de ne pas évoquer d'autres personnes (certaines apparaissant dans les séquences vidéo à venir) pour lesquelles cette lecture de jeunesse a eu une conséquence très concrète. Si Alex Tamba (auteur de BD vu dans mon reportage) se souvient encore de son "plus beau Noël" dont le cadeau était 2 Pif-Gadget avec lesquels il a pu s'endormir ; si Ileana Surducan (auteure de BD elle aussi) regrette de n'avoir pas connu à la grande époque "ce Pif dont tout le monde me parle depuis que j'ai commencé à dessiner" et si l'ancien Ministre des Affaires Etrangères roumain Adrian Cioroianu explique qu'il y a appris le français, je souhaite donner la parole à d'autres anciens lecteurs, dont les témoignages croisés apportent encore quelques précisions et le parfum du vécu :
Il faut tout d'abord mentionner Mircea Arapu

Ce dessinateur, peintre et auteur roumain aujourd'hui quinquagénaire a été baigné dès l'enfance dans les récits des auteurs des éditions Vaillant. A la fin des années 70, il créait le 1er fanzine de BD roumain en langue française et finit par réaliser un vieux rêve : venir en France et être accepté par la rédaction de Pif-Gadget en 1982. On lui propose de reprendre le personnage d'Arthur le fantôme de l'un de ses dessinateurs préférés, Jean Cézard (décédé en 1977). Lourde tâche pour cet ancien lecteur, fan de la série et du style inimitable de son créateur, mais qui s'y emploie consciencieusement et surtout avec tout le respect qu'il voue à son Maître. Son style se perfectionne au fil des épisodes mais les années 80 ne sont malheureusement pas une période faste pour Pif-gadget, aux formules à géométrie variable et aux finances en dents de scie. Il quitte le journal en 1987. Mais il reviendra pour un tour de piste supplémentaire de 4 ans lors de la courte résurrection de Pif-Gadget en 2004 et cette fois fera partie intégrante de la rédaction (et réalisera plusieurs couvertures du journal et illustrations intérieures, entre autres).

Quelques reprises d'Arthur le Fantôme par Mircea Arapu

J-Luc - Quel souvenir as-tu gardé de Vaillant, dans ton enfance ?

Mircea : "Dans mes plus anciens souvenirs, Vaillant existait déjà à la maison. Ses personnages, surtout ceux en couleurs, m’ont donné pour toujours la passion du dessin et de la peinture. Les premiers Vaillant étaient des recueils des années 1951-1952, et ont été remplacés par un abonnement au magazine vers la fin des années 50 qui a continué jusqu’en 1963. Ce journal m'a donné une envie irrépressible de découvrir la France et plus tard, d'y travailler. "

J-Luc : - Quelle importance a eu cette lecture, à ton avis, si on pense à ton futur parcours professionnel ?

Mircea : "Tout d’abord par l’image. Aux côtés des livres de mon enfance (entre autres, l’édition originale des aventures du Baron de Münchausen, illustrée par Gustave Doré), Vaillant a été pour moi le principal moteur de ma passion pour le dessin et du choix de ma future carrière. La lecture de ma collection m’a mis en état de penser en français. Vaillant était pour nous la soupape de la France et de l’Occident."

J-Luc : Qu'ont pu représenter, justement, Vaillant et Pif-Gadget pour la jeunesse roumaine ?

Mircea : "Pour plusieurs générations d’enfants et de jeunes, entre 1950 et 1989 pour faire court, Vaillant et Pif ont représenté la possibilité de communication et de liaison avec un monde interdit. La France découvrait l’année dernière l’importance, souvent oubliée, qu’à eu cette publication, pour la prolongation en période communiste de la francophilie historique des Roumains."

Mircea Arapu a écrit un livre-témoignage déjà paru en Roumanie et qui devrait prochainement paraître aussi en France, dont le titre résume bien son propos : "Quand je serai grand... je ferai Pif !" 

Nous retrouverons Mircea Arapu prochainement sans doute, et de toutes les manières, il fera partie de l'aventure de ce film - en tant qu'ancien collaborateur de Pif-Gadget, mais aussi pour son regard sur certains des auteurs et rédacteurs du journal, sans mentionner évidemment son expérience de lecteur roumain ! :-)

Mircea a créé un blog, dans lequel cette page offre son regard (et ses photos) sur l'exposition :


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Parmi mes rencontres liées à Pif dans le cyber-espace, il y a Lucian Ciucu.
Réalisateur pour la Télévision Nationale Roumaine, il a insisté auprès de sa hiérarchie pour "couvrir" l'exposition sur Pif en 2012 pour la télé. Il était impensable pour lui de ne pas en conserver une trace. 
il considère lui aussi que sa vie a été marquée de façon indélébile par sa lecture de Vaillant et Pif-gadget :

J-Luc : ton premier souvenir de Pif ?

Lucian : "C'est vers 9-10 ans que j'ai commencé à acheter mes premiers Vaillant, par intermédiaire d'un bon ami de mon grand-père (ex-camarade de prison politique), qui tenait le kiosque de journaux de la gare de Piteshti (ma ville natale). J'ai pu me procurer le seul exemplaire de Vaillant qui arrivait par train dans cette ville-la, moyennant un petit pourboire (l'exemplaire coutait 4 lei et je lui en laissais généreusement 5 !).
C’était presque l'événement le plus important de la semaine et l'accès au Vaillant était vraiment très sélectif, en raison du strict contrôle idéologique de l'époque : seuls les gens bien placés au Parti pouvaient s'y abonner. Ça a été, donc, la première chance de ma vie et je ne l'ai pas ratée : en quelques mois, stimulé par la "bande a Pif", je me suis retrouvé presque magiquement à comprendre le français !"

(Son premier souvenir marquant - à la lecture du premier Vaillant qu'il ait eu entre les mains vers 7 ans, sans comprendre les textes encore - a été une grande planche de Cézard tirée de l'histoire "Arthur contre César", où il découvrait du même coup ses premiers... Gaulois. Ensuite, avec Pif-gadget, il s'identifiera tour à tout à Teddy Ted, puis Corto Maltese.)

J-Luc : Quel impact a pu avoir cette lecture d'enfance sur le reste de ta vie ?

Lucian : "Vaillant - Pif a marqué pour toujours ma vie. Comme je disais, cette lecture a contribué à parfaire mon français (stupéfiant mes profs à l'ecole !), mais aussi m'a permis plus tard de lire en français des bouquins essentiels de philosophie ou religion, interdits ou introuvables en roumain sous le régime communiste. Et ça m'a aidé énormément, après 1989, dans mon nouveau métier de réalisateur (notamment de films à sujets religieux, les premiers en Roumanie - pour la chaine nationale de TV.)
Puis, Vaillant a été une exceptionnelle école de dessin. J'ai fait quelques études en la matière, mais en analysant et copiant allègrement les grosses pointures de Pif, j'ai compris le mouvement et la dynamique interne du dessin, envisageant le graphisme d'une manière vivante, éloquente. Même si je ne suis jamais devenu un dessinateur professionnel, j'ai publié dans de grands journaux et revues roumaines, j'ai fait des couvertures et des illustrations pour des livres, avec un certain succès. Et la "marque Pif" dans mes créations graphiques est indéniable..."

J-Luc : Que dirais-tu de l'influence qu'a pu avoir Pif sur les jeunes Roumains, y compris idéologiquement ?

Lucian : "Je pense que la Roumanie a été un deuxième pays d'adoption pour l'univers Pif, en vertu de la facilité à parler français des Roumains, qui sont des Latins (tandis que, pour les pauvres pifophiles Hongrois ou Bulgares, le français devait être de... l’hébreu!).
Il y a peut-être ici aussi des influences qui tiennent de l'Histoire. Les jeunes qui ont connu et fréquenté Vaillant-Pif étaient des gens dont on pourrait considérer aujourd'hui qu'ils font partie de l'élite intellectuelle roumaine. Et ils sont tous redevables de "l'expérience Pif", qui a été une fenêtre ouverte vers la culture occidentale (qu'on supposait, à l'époque, libre et favorisant la dignité humaine). On savait que Pif provenait des milieux communistes, mais on n'a jamais pu y dénicher une quelconque propagande pernicieuse - on aurait sûrement laissé tomber si on avait découvert des tentatives propagandistes dans cette publication. Donc, contre tous les détracteurs occidentaux de Pif, je lui confère un "certificat de propreté idéologique" !"

Le documentaire pour la télé roumaine réalisé par Lucian, à l'occasion de l'exposition de Bucarest, qui est l'occasion pour lui de raconter l'histoire de Vaillant et Pif :
http://www.youtube.com/watch?v=o6tCJoCmIyA

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Enfin, il y a une personnalité incontournable : Dodo Niță.

Reconnu aujourd'hui comme le plus grand spécialiste de la BD en Roumanie, il a organisé le Salon de la Bande Dessinée en Roumanie (avec l'aide de l'Alliance Française), qui connaîtra cette année sa 23e édition. 

L'"interview" ci-dessous est en réalité une version remaniée de son portrait tiré du catalogue de l'exposition de Bucarest en 2012 :

"Je me souviens encore aujourd'hui, avec le même plaisir indicible, ce jour du mois de janvier rigoureux de la première semaine de l'année 1977, quand le facteur a sonné à ma porte et m'a remis une publication sous cellophane. 
Après avoir fermé la porte, j'ai commencé à pousser des cris tout en sautillant de joie : je tenais entre mes mains la revue "Pif-Gadget". 
Il s'agissait du numéro 402. 
Pif-Gadget 402
Le lendemain, je demandais à mon prof de musique de nous apprendre l'ocarina... car cet instrument était le gadget de ce numéro ! 

L'histoire avait commencé un an auparavant, quand j'avais vu pour la première fois quelques Vaillant chez mes camarades plus âgés. "

(Dodo Nita raconte ainsi, comment démarre "son" histoire personnelle avec Pif-gadget, alors qu'il a 13 ans. )

"Mes parents ont accepté de m'abonner à la revue, ce qui était relativement facile pour eux car ils travaillaient à la Poste. Mais son prix était élevé : 500 lei par an. J'ai appris plus tard à quel point j'avais été un "privilégié" du régime communiste, car beaucoup d'enfants souhaitaient s'abonner mais n'y parvenaient pas. Souvent, ils devaient ajouter au prix de la revue vendue au numéro par un kiosquier un pourboire conséquent, de la main à la main."

Influence de Pif-Gadget sur la suite...

"Lorsque j'ai eu mon premier "Pif-Gadget", je n'étudiais le français que depuis 2 ans, et j'étais obligé d'avoir recours sans cesse au dictionnaire pour comprendre les dialogues des histoires. Je me souviens encore de l'histoire de Loup-Noir face au grizzly, de Docteur Justice dans une expédition en Arctique, de Horace, cheval de l'ouest... J'ai rêvé pendant une demi-journée avec ces héros et la diversité qu'offrait cette revue.
Pif-Gadget m'a permis de découvrir des écrivains français, dont on adaptait des récits en BD : Jules Verne, Robert Merle, Victor Hugo... J'y ai également puisé des valeurs qui m'ont aidé à forger mon caractère.

J'ai conservé un intérêt pour la bande dessinée, au point de partir en France après la chute du régime Caucescu, à la rencontre de quelques créateurs de mes personnages préférés. J'ai pu ainsi interviewer Tabary, Greg, Cance, Chéret, Corteggiani, etc..."

(Dodo Niță a écrit plusieurs ouvrages sur la bande dessinée (et récemment, avec l'aide de son ami Mircea Arapu, le premier ouvrage sur l'histoire de la bande dessinée roumaine).
Il prépare également la publication d'un ouvrage autobiographique, dans lequel Pif-Gadget tiendra une place centrale...)

Mircea Arapu et  Dodo Nita
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Ajoutons à ces témoignages, celui de Vladimir PACURARU, dont le grand-père reliait lui-même tous les Vaillant et qui vit et travaille aujourd'hui en France. On peut le lire dans "Mon Camarade, Vaillant, Pif-Gadget : l'histoire complète 1901-1994" de Richard Médioni.
(cliquer sur la couverture)

Il y a également cet article du site ActuaBD, autour de la BD roumaine et l'influence de Pif (où l'on retrouve 2 personnages déjà cités...) :

(les photos - hormis les miennes - appartiennent à leurs auteurs respectifs, que je n'ai pas su identifier pour la plupart. Qu'ils me préviennent pour que j'ajoute ici ou là un crédit sous l'image qui les concerne)


Je rencontrerai ces anciens lecteurs, toujours passionnés par cette revue découverte dans leur enfance et qui a bouleversé le cours de leur existence.
A travers eux, j'aimerais partager un peu de la flamme - candide et brûlante à la fois - qui anime tous ceux qui ont eu la chance de connaître cette "révélation" à travers une revue de papier que d'aucuns, dans son pays d'origine, traitaient souvent avec condescendance et même parfois avec mépris. 

Comme quoi, il faut parfois savoir inverser la perspective pour mieux apprécier les choses importantes.




mercredi 22 mai 2013

9. Kline, parti rejoindre ses personnages dans l'Eternité...


Quand on tente de réaliser un document relatant (entre autre) les existences et le travail d'auteurs du passé, et par conséquent avancés en âge, on court évidemment le risque que le temps (impitoyable) et la nature (idem) ne se mettent en travers de la route du pauvre documentaliste...

Aujourd'hui, plus qu'un "intervenant" dans un film, c'est un ami qui est parti.
Il s'en est allé rejoindre ses personnages, et notamment son cher Loup-Noir, dans des contrées lointaines qui ressembleraient peut-être aux vastes plaines du Dakota...
Kline (de son vrai nom Roger Chevallier) a été un véritable artisan de la bande dessinée réaliste de l'Après-guerre et l'un des piliers des récits d'aventures du journal Vaillant puis de Pif-gadget.

Son personnage de Loup-Noir, ce magnifique Sioux solitaire épris de justice, était devenu son frère de papier. Il en partageait beaucoup de valeurs, au fond.

Rencontré en 2008 et interviewé début 2010, j'espérais pouvoir compléter les images tournées avec lui. (il n'était pas friand de l'exercice, en bon Breton taciturne). Son état de santé décalait indéfiniment ce moment, mais je pense surtout qu'il n'avait guère le goût de la lumière braquée sur lui. Il préférait de loin qu'on discute autour d'un déjeuner de choses plus passionnantes, en tous cas à ses yeux.
Nos conversations, à table, tournaient plutôt autour de sujets philosophiques. Il s'était mis depuis longtemps à l'étude de la pensée bouddhique et de la physique quantique. C'est peu de dire qu'il était à mille lieues des considérations matérielles qui encombrent l'existence de ses contemporains, dans la BD ou tout autre domaine...

Mais il était capable de s'enflammer lorsque je l’aiguillonnais sur tel ou tel aspect graphique de son travail, notamment son étonnante maitrise des contrastes profonds et ses cadrages très cinématographiques.
Il avait commenté pour la caméra une planche de Davy Crockett (scène d'hiver dont il me décrivait le rapport au cadrage et au rythme cinématographiques) et une autre, de Loup-Noir, qu'il m'a offerte avec une petite dédicace qui me met les larmes aux yeux chaque fois que je passe devant.

Planche de Davy Crockett. Kline explique son rapport au cinéma.
Il m'avait également présenté son ébauche d'une série de science-fiction qui n'avait pas été retenue par Pif-gadget.

Je percevais chez lui à la fois une certaine fierté pour le travail accompli (il fut l'un des dessinateurs réalistes les plus réguliers et consciencieux de la presse jeunesse !) et aussi une certaine amertume pour la manière dont son travail avec son personnage-fétiche avait cessé (désaffection des lecteurs, moins intéressés par les récits "western" classiques à l'heure de Goldorak et Scoubidou, manque d'intérêt des la rédaction pour son travail à la fin des années 70...). Il aurait sans doute apprécié qu'on puisse exposer ses planches (splendides !) au public ou qu'on honore son artisanat de haute qualité, mais jamais il n'aurait songé à susciter la chose.

Il tiendra une place à part dans ce film-fleuve : comme Gerald Forton (ils s'appréciaient beaucoup mutuellement), il y sera l'un de ces magnifiques artistes solitaires et infatigables, qui font rêver les jeunes lecteurs en prenant plaisir à leur transmettre leur ration d'exotisme, d'aventure, de mouvement et - souvent avec modestie - d'exploits graphiques.

J'ai aujourd'hui une pensée pour sa veuve, Micheline, dont il m'a dit souvent qu'elle avait été la véritable inspiration de sa vie.

Quelques liens :

Article rédigé avec l'aide de Giles Ratier pour BDZoom.

Dossier Kline sur le site Pif-collection

Le fameux n.64 de Pif-gadget avec Loup-Noir en vedette

On pourra voir Kline quelques secondes dans la prochaine "bande-annonce" du film à venir, faisant preuve d'un certain sens de l'humour et beaucoup d'autodérision...

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Février 1969 : teasing dans Vaillant pour annoncer le passage à Pif-gadget, avec l'un de ses nouveaux héros.
Réédition des aventures de Davy Crockett en 1978-79, en petit format.
Planche de "Loup-Noir". Perfection des ambiances et des contrastes.
Ebauche pour un projet de récit de science-fiction destiné à Pif, dans les années 80, mais non retenu par le journal.
Album réalisé en région, en 1981. Ci-dessous le dessin servant à la couverture. Un magnifique classicisme qui aurait rendu jaloux l'auteur d'Alix !
 
 Joie tardive pour Kline de voir ses récits enfin en album, parallèlement à la republication de Loup-Noir dans le nouveau Pif-gadget (2004-2008) en couleurs (ci-dessus, album unique) pour Pif Editions et en noir et blanc (plusieurs albums) pour les édition du Taupinambour.

  
Dans le livre-somme de Richard Médioni (ancien rédac' chef de Pif-gadget) consacré à Vaillant, Pif et quelques autres, une place respectable est évidemment donnée à Kline et ses bandes réalisées avec Jean Ollivier (cliquer sur le livre pour voir le clip) : 


A la fin d'une séance d'interview, Kline avec un (ancien) jeune lecteur de ses bandes.